Accompagnement des personnes âgées dans le contexte de la numérisation

Trois exemples concrets

Contexte et but

Les technologies numériques sont omniprésentes dans la vie quotidienne, voire incontournables pour la participation sociale. Il en va ainsi par exemple pour la prise de titres de transports, pour l’achat de billets pour des spectacles, pour l’accès à des prestations administratives, etc. Et, en lien avec les mesures de protection prises pendant la pandémie et touchant particulièrement les personnes âgées, les contacts à distance au moyen des technologies de la communication ont pris une importance croissante et ont révélé des avantages considérables pour le maintien des liens sociaux et affectifs.

Cependant, le fossé numérique persiste entre personnes de plus et de moins de 65 ans (et de manière plus accentuée pour les personnes de plus de 80 ans) et de nouvelles technologies continuent à être développées; ceci entraine de nouvelles difficultés pour les personnes de plus de 65 ans (Seifert, Ackermann, Schelling 2020). 
Par ailleurs, des appareils courants sont actuellement équipés de commandes tactiles (cuisinières vitrocéramiques, machines à laver le linge ou la vaisselle, …) dont la compréhension et la manipulation se révèlent difficiles pour certaines personnes âgées.

La formation des personnes âgées à l’utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) fait actuellement l’objet de nombreuses offres de la part de prestataires variés, tels que des organismes publics ou d’intérêt public et des prestataires de services à but lucratif. Cependant, le groupe des personnes de plus de 65 ans est hétérogène dans son utilisation des technologies, dans ses ressources pour les appréhender et dans ses attentes. En plus des offres «standard», une approche personnalisée est donc également requise.

A l’heure actuelle, il n’y a pas de spécialisation professionnelle en matière de formation et d’accompagnement des personnes âgées pour l’utilisation des technologies numériques. 

Toutefois, de nombreuxses professionnelles, et aussi des bénévoles, disposant de qualifications et assumant des fonctions variées interviennent au gré des situations et, souvent, de leurs affinités avec les TIC. Le terme de «médiation numérique» utilisé par P. Cazeneuve (2011) et repris par J.-C. Domenjoz (2015) convient bien pour décrire ces interventions: «La médiation numérique consiste à accompagner des publics variés vers l’autonomie, dans les usages quotidiens des technologies, services et médias numériques» et le rôle de la médiation est de «faciliter la relation entre deux parties entretenant des relations distantes voire conflictuelles» (Cazeneuve, 2011).
Le contexte des organisations proposant des prestations (conseil, assistance, accompagnement) à des personnes âgées logeant dans leur propre appartement a suscité l’émergence de pratiques professionnelles et d’expériences intéressantes allant dans le sens d’une médiation culturelle bien adaptée au public concerné. Ces pratiques sont nouvelles et n’ont pas été formalisées. Cependant, des éléments peuvent être mis en évidence et être pris en compte pour de futurs développements.

C’est dans cette perspective que des données ont été récoltées auprès de trois organisations illustrant différentes modalités d’accompagnement des personnes âgées dans leur quotidien et sur le thème des TIC.
Ces exemples ont été choisis car ils incarnent des structures très différentes et actuelles et permettent d’identifier des constantes dans l’accompagnement à l’utilisation des TIC de personnes âgées vivant dans leur propre logement.

Les destinataires des informations présentées sont les:

  • Organisations proposant des services d’accompagnement dans le quotidien de personnes âgées vivant dans leur logement
  • Professionnelles accompagnant dans le quotidien des personnes âgées vivant dans leur logement
  • Prestataires de formation pour les professionnelles accompagnant les personnes âgées dans leur quotidien
  • Instances et services dédiés aux personnes âgées dans les communes et les cantons
  • «Caring communities» (par exemple voisinage, quartiers, associations)

Le but poursuivi est d’offrir un soutien pour le développement de prestations d’accompagnement des personnes âgées dans le contexte de la numérisation de la société.

Littérature

Modèle 1: Accompagnement et soutien dans une structure de logements protégés

Althys appartements protégés OASSIS
Bois-Gentil appartements protégés Maillefer

Les deux organisations disposent de logements/appartements protégés et proposent: 

  • Des appartements regroupés dans un immeuble
    • sans barrière architecturale
    • selon la structure, avec un système d’alarme propre
  • Un espace communautaire facilitant des échanges
  • Un référent social pour:
    • Assurer un encadrement sécurisant et social
    • Animer les espaces communautaires en favorisant le maintien à domicile
    • Proposer une aide ponctuelle aux tâches du quotidien

Les prestations nécessaires de soins, d’aide au ménage, de repas, de soutien administratif et autres sont réalisées par des prestataires externes.

Les interventions d’aide et de soutien des personnes âgées dans le domaine des TIC ont lieu dans le cadre des activités d’accompagnement habituelles du référent social formé en tant qu’assistant socio-éducatif (visites individuelles régulières, activités en groupe). En cas de besoin urgent, l’intervention est assurée à court terme par le référent social présent chaque jour dans la structure.

Cette structure se caractérise par la proximité entre les résidentes et le référent social. Ce dernier connait bien les résidentes auxquelles il rend des visites régulières et qui, pour certaines, participent à des activités collectives organisées par le référent social.

Actuellement, les services dans le domaine du soutien de l’utilisation des TIC ne sont pas prévus en tant que tels dans les prestations, si bien qu’un temps restreint y est consacré, probablement insuffisant par rapport à la demande.

Modèle 2: Conseil, orientation et soutien par une structure organisée dans le quartier

VICINO LUZERN, Neustadt et iHome Lab de la Haute Ecole de Lucerne

L’organisation propose dans le quartier des services de conseil, des soutiens variés, des logements avec services et de l’orientation à toutes les personnes âgées. Elle promeut la mise en œuvre du concept de Caring Community. Une responsable de site est chargée des prestations et le travail en réseau avec de multiples prestataires et services bénévoles permet de proposer et de déclencher les prestations nécessaires de soins, d’aide au ménage, de repas, de soutien administratif et autres.

Les interventions d’aide et de soutien des personnes âgées dans le domaine des TIC ont lieu dans le cadre du «Café numérique» organisé par la structure et qui a lieu deux fois par mois. Les personnes âgées s’y rendent lorsque et aussi souvent qu’elles le souhaitent. Cette offre est connue dans le quartier et la responsable de site oriente les personnes âgées vers cette offre ou vers celle de visites à domicile payantes (à prix réduit) organisées elle aussi dans le cadre de la structure. Le «Café numérique» est soutenu par une structure spécialisée dans les technologies numériques au service de l’habitat et des personnes âgées. Cette structure assure la préparation des accompagnantes bénévoles et leur offre un appui pour les technologies qu’ilselles ne maîtrisent pas.

Dans des cas particuliers ainsi que dans d'autres quartiers de Lucerne, les interventions ont lieu lors d’un accompagnement individuel dans le cadre des activités de conseil de la responsable de site. En cas de besoin urgent, la responsable de site réalise l’intervention sans attendre.

Le «Café numérique» est une offre qu’on peut qualifier de bas seuil car on peut aussi s’y rendre pour un échange social et simplement y boire un café. Ayant lieu au rythme de deux fois par mois, cette fréquence peut ne pas être suffisante par rapport aux besoins de certaines personnes âgées.

Modèle 3: Coordination et mise en contact avec des personnes ressources dans une structure de logements intergénérationnels

L’Adret Habitat évolutif pour seniors

Les logements intergénérationnels proposent un lieu de vie pour seniors qui s’adapte aux besoins des locataires en âge AVS selon l’évolution de leur situation médico-psycho-sociale tout en favorisant des échanges intergénérationnels réguliers. Les appartements pour seniors sont intégrés dans une structure disposant également de logements pour étudiantes, d’un centre de santé, d’un cabinet de physiothérapie, d’un restaurant et d’une crèche.

Des prestations de soins à domicile, d’aide au ménage et de repas peuvent être fournies au sein de la structure. En cas de besoin de soutien administratif, une orientation vers les services sociaux compétents est réalisée. Une coordinatrice-répondante formée en tant qu’animatrice socioculturelle, avec une équipe de concierges sociauxales, assistantes socio-éducatives et réceptionnistes, assure la sécurité des locataires, le conseil, la mise en relation entre générations et l’organisation d’événements.

Les activités d’aide et de soutien des seniors dans le domaine des TIC ont lieu en grande partie au moyen de l’entraide au sein des logements intergénérationnels. Il s’agit d’interventions d’étudiantes mises en contact par les professionnelles de la structure ou d’interventions d’autres locataires seniors. Dans une moindre mesure, les interventions sont réalisées par une professionnelle de l’équipe de coordination ou grâce à une orientation vers des offres extérieures. En cas de besoin urgent, les membres de l’équipe professionnelle réalisent l’intervention sans attendre.

Le concept de la structure prévoit l’activation des ressources propres et la construction d’entraide parmi les personnes de tous âges habitant la structure. Les seniors sont incitées à l’entraide et les espaces communs et les moyens de communication internes favorisent ce processus. Les étudiantes bénéficient d’un rabais de loyer en échange d’un certain nombre d’heures dédié à des services aux seniors ou à la structure.

Grâce à la disponibilité des étudiantes et à l’entraide des locataires seniors, cette organisation couvre entièrement les besoins d’orientation, de conseil et d’accompagnement dans l’utilisation des TIC directement exprimés par les personnes âgées. La coordinatrice-répondante peut, si nécessaire, guider les étudiantes par rapport aux éventuelles spécificités à connaître vis-à-vis des personnes âgées. La sensibilisation à des technologies qui pourraient être utiles et intéressantes et auxquelles les seniors n’ont pas pensé repose en grande partie sur l’initiative individuelle des étudiantes, voire sur l’entraide entre seniors.

Retours d’expérience

Les interventions requises

Les interventions requises concernent, d’une part, les appareils électro-domestiques de nouvelle génération disposant notamment d’écrans tactiles (tels que lave-linge, cuisinière vitrocéramique, lave-vaisselle), et d’autre part les appareils, logiciels et applications en lien avec les TICS.

Les demandes des personnes âgées portent donc sur un large rayon du secteur numérique, par exemple, et de manière non exhaustive:

  • Fonctionnement et réglage des appareils (smartphones, tablettes, ordinateurs)
  • Recherche d’éléments sur un appareil
  • Réglages dans une application
  • Diagnostic lors de pannes, dépannage simple
  • Messages électroniques
  • Mots de passe
  • Commande vocale
  • Applications et logiciels pour:
    • Photos
    • Musique
    • Certificat covid
    • Météo
    • QR code
  • Administration: demande de résiliation sur internet
  • Impression d’un document
  • Modem (installation, élimination de pannes)
  • Téléviseur (installation)
  • E-banking

Des demandes en vue d’achats d’appareils sont également faites, mais plus rarement. Dans un tel cas, le conseil consiste plutôt à aider la personne à définir ses besoins pour qu’elle puisse décider elle-même si elle achète un produit et lequel.

Les modalités d’intervention

Les interventions ont principalement lieu de manière individuelle car cela permet de s’adapter au matériel et aux besoins spécifiques. Cela permet également de s’adapter au rythme individuel.

Des interventions en groupe ont parfois également lieu, par exemple pour de la formation sur les smartphones. Ce type d’intervention nécessite des conditions et un encadrement spécifique car les smartphones des personnes âgées sont différents les uns des autres, de même que le niveau de maîtrise et les questions de chacune.

Quelques principes d’action sont valables pour les interventions individuelles comme en groupe:

  • Vocabulaire:
    • Utiliser les mots et les appellations qui sont facilement compréhensibles par le public (ça n’est pas forcément le terme le plus récent utilisé par les experts).
    • Utiliser de manière conséquente toujours les mêmes termes
  • Structure:
    • Simplifier les contenus, diminuer le nombre d’informations et de paramètres possibles en identifiant ce dont la personne a besoin dans son quotidien.
    • Canaliser les informations sur des éléments précis, directement utiles.
  • Surmonter les préjugés négatifs en présentant des éléments attractifs et avantageux (par ex. l’intérêt de l’application météo, de la possibilité de faire des courses en ligne à tout moment)
  • Faire pratiquer et répéter (mémoire procédurale), exercer la commande tactile qui cause souvent des difficultés

Orientation vers les ressources en formation pour les TIC

Les ressources de nombreuses personnes âgées leur permettent difficilement de tirer profit d’un cours collectif standard et l’expérience a montré que certains cours pris individuellement sur le marché des offres sont vraiment très coûteux par rapport à la quantité d’apprentissages réalisés.

Le contenu de certaines formations est trop vaste par rapport à l’utilité et à l’utilisation réellement accessible. Un exemple donné est celui d’une formation à l’utilisation d’une application de quartier: seuls certains aspects de l’application présentaient un intérêt pour les locataires des appartements protégés, la formation prévue pour toutes les personnes habitant le quartier a donc été adaptée et donnée aux locataires par le référent social.

Cependant, dans la structure de l’Adret (modèle 3) qui est récente, la moyenne d’âge des seniors est probablement plus basse que dans les autres structures (modèles 1 et 2) et certaines disposent des ressources nécessaires pour se former dans des cours standards. De tels cours sont proposés dans l’environnement proche si bien qu’une orientation peut être réalisée.

Sécurité numérique, protection des données et de la sphère privée

Les règles à suivre pour assurer la sécurité numérique sont exigeantes et leur application est malaisée pour la plupart des personnes âgées.

En conséquence, les informations sur les règles à respecter sont données mais en prenant en compte les capacités de la personne.

Un équilibre est recherché entre sécurité et capacités de la personne concernée, notamment en ce qui concerne la mémorisation des mots de passe, si bien que des risques sont pris. Les différentes situations et la gravité des conséquences potentielles sont prises en compte dans les conseils pour définir et stocker les mots de passe (par ex. mot de passe d’accès à un réseau social ou mot de passe d’une carte de crédit).

L’empreinte digitale et la reconnaissance faciale ne sont pas utilisées, notamment du fait que les appareils utilisés sont souvent anciens.

Le constat est qu’il y a peu de sensibilité de la part des personnes âgées par rapport à la confidentialité des données et des informations, et aussi peu de conscience des risques. Cela engage les accompagnantes à garantir euxelles-mêmes la sécurité, soit en évitant volontairement de prendre connaissance d’informations (par ex. mots de passe), soit en les traitant dans le cadre du devoir de discrétion.

Les accompagnantes ne prennent pas de responsabilité par rapport aux données des utilisateurs (dommages ou pertes éventuels), les conseils et les interventions sont traitées comme du «conseil collégial», de l’entraide.
Dans les trois types de structures, le seul cadre donné aux accompagnantes par rapport à la prise de connaissances de données numériques et à l’accès aux informations contenues dans les appareils des personnes âgées est celui de la confiance et du devoir de discrétion.

Collaboration avec la famille et des proches

La collaboration avec les familles et les proches n’est pas une constante, elle dépend grandement des situations et en particulier du positionnement de la famille par rapport à la personne âgée et par rapport aux TIC. Certaines familles maîtrisent les TIC, connaissent le matériel et ses caractéristiques tandis que d’autres n’ont-pas les connaissances nécessaires pour un soutien ou un conseil. 

Il est relevé que la qualité des moments passés ensemble peut être péjorée par le traitement de thèmes liés aux technologies. La nécessité de soulager la famille peut inciter les accompagnantes à ne pas la mêler aux interventions de médiation numérique.

Il existe également des situations où la famille soulage entièrement ou en très grande partie la personne âgée de l’utilisation des TIC en gérant toutes les tâches administratives et celles nécessitant l’utilisation d’internet. Dans un tel cas, il n’y a pas de nécessité, ni non plus de possibilité, d’apprentissage dans le domaine numérique pour la personne âgée.

Lorsque la collaboration entre les familles et les professionnelles existe, elle fonctionne dans les deux sens, il y a une entraide.

Le rôle de la famille, lorsqu’elle est impliquée, est bénéfique au niveau social et technique. Des familles connaissant bien leur proche savent ce qui peut lui être utile, elles trient et sélectionnent les informations pour lui. Le lien relationnel peut amener de l’efficacité et les technologies représentent aussi un excellent lien potentiel avec les jeunes.

Lorsque les familles ou les proches sont spontanément actifs pour soutenir l’utilisation des technologies, les interventions des professionnelles sont complémentaires, elles respectent les éventuelles stratégies mises en place (par ex. décisions de simplification pour faciliter l’utilisation, voire prévenir des erreurs).

Selon les situations, les personnes âgées sont directement encouragées par les accompagnantes à faire appel à leur famille. Cela peut être pour l’installation de télévision et de modems par exemple, mais aussi pour solliciter la guidance d’un petit-enfant pour certaines opérations, ou encore pour un soutien de la part d’un membre de leur famille pour une activité qui leur tient à cœur.

Les accompagnantes fournissent de l’aide sur demande directe des familles lorsqu’elles ne peuvent pas être présentes, notamment pour des installations ou pour des vérifications ponctuelles sur les appareils des personnes âgées. Si la demande est de faire une opération à la place des personnes âgées, les accompagnantes professionnelles évaluent toujours la possibilité de développer l’autonomie des locataires avant d’agir.

Lorsque les familles ne sont pas du tout actives, les professionnelles, selon les cas, conseillent de faire appel aux services des fournisseurs du matériel utilisé, orientent vers des offres payantes à prix réduit ou réalisent eux-mêmes les interventions nécessaires

À retenir

Les activités développées dans les trois types d’organisation offrent des bases extrêmement intéressantes pour le développement et la généralisation d’une médiation numérique «bas seuil» et efficace.

La proximité avec les personnes âgées, le développement d’un lien social, la bonne connaissance de leurs caractéristiques ainsi que la relation de confiance établie sont des facteurs centraux de la réussite de l’accompagnement des personnes âgées dans l’utilisation des TIC au sein de ces organisations.

Les expériences dans la structure de logements intergénérationnel montrent également la possibilité d’échanges: des étudiantes guident les personnes âgées dans l’utilisation des TIC, tandis que des personnes âgées se sont mobilisées pendant la pandémie pour préparer des repas pour les étudiantes qui devaient étudier à domicile. L’entrée dans une relation d’échanges pourrait jouer un rôle facilitant pour accepter les apports de la jeune génération dans le domaine des TIC.

Des relations de confiance, de proximité, de voisinage, d’entraide

Dans les trois modèles d’organisation, les relations de confiance, la proximité, le voisinage et l’entraide sont des ingrédients fondamentaux de le médiation numérique réalisée. 

Des liens avec l’histoire personnelle de la personne âgée sont créés, celle-ci évoque des épisodes de sa vie et des parties de son histoire à l’occasion des interventions d’accompagnement de l’utilisation des TIC.

La confiance est à la base de la médiation numérique, de la construction d’une relation positive aux technologies et de l’ouverture aux apprentissages. C’est dans ce contexte que les craintes et le sentiment d’impuissance peuvent diminuer. Les accompagnantes peuvent aussi renforcer la confiance en soi des personnes âgées en montrant que, parfois, c’est la technologie qui est en panne et non pas la personne qui fait faux.

Dans une relation de proximité, de voisinage, une sensibilisation continue aux TIC et aux évolutions dans ce domaine peut être faite.

Des interventions très personnalisées pour soutenir l’autonomie et l’intégration sociale ainsi que les apprentissages

Les interventions requises sont principalement individuelles et partiellement collectives, elles sont entièrement adaptées aux besoins, aux difficultés et aux ressources individuelles et sont essentielles pour soutenir l’autonomie et l’intégration sociale.

Les interventions suivent le rythme de la personne âgée, s’adaptent à ses capacités d’apprentissage, à son caractère, aux spécificités de ses appareils.

Leur déploiement dans le quotidien, en fonction des situations qui se présentent et des besoins permettent de surmonter de nombreuses réticences et donnent la possibilité d’accéder à l’utilisation de technologies numériques dans la mesure jugée utile, nécessaire et intéressante par chaque personne.

Il peut y avoir plusieurs tendances selon les situations: des interventions plutôt orientées «service»: il faut faire que ça marche et permettre un contact positif avec les technologies numériques; et des interventions plutôt orientées vers des apprentissages en vue de l’autonomie. L’ensemble des interventions s’inscrivent probablement dans un continuum entre ces deux tendances.

Une sensibilisation positive aux TIC permettant de surmonter des réticences

Une partie des personnes âgées ressentent de la colère par rapport à des évolutions qui leur sont imposées. La peur de la nouveauté, de faire faux, de ne pas y arriver, de provoquer des dommages est aussi présente.

De plus, les difficultés à mémoriser de nouveaux processus peuvent rendre l’utilisation de TIC rébarbative.

Les modalités d’accompagnement mises en œuvre dans les différentes organisations sont favorables à un rapprochement avec les TIC, y compris pour les personnes âgées qui ne sont pas forcément demandeuses de cours. Les accompagnantes transmettent de l’enthousiasme et de la motivation. Les personnes âgées sont mises dans une situation positive très personnalisée par rapport aux TIC.

Les accompagnantes impliquées dans la médiation numérique, que ce soit des professionnelles engagées par l’organisation, des étudiantes ou des bénévoles ont une vision positive et une approche plaisante des TIC, susceptibles de diminuer les réticences et les peurs.

Outre les conseils et la guidance, des présentations de nouveautés dans le monde des technologie numériques jouent un rôle favorable à une familiarisation et à un intérêt pour le domaine.

La création de liens avec des personnes ressources pour prévenir une marginalisation ultérieure en lien avec le «fossé numérique»

Il existe un réel besoin de médiation numérique dans le quotidien de nombreuses personnes âgées afin de soutenir leur autonomie et leur participation sociale. Avec la transformation numérique en cours, la dépendance des personnes âgées envers leur entourage familial et envers des professionnelles ne peut qu’augmenter et leur isolement social s’accentuer si elles ne réussissent pas à intégrer un certain nombre d’usages du numérique.

Une sensibilisation continue des personnes âgées aux TIC est souhaitable pour éviter un processus d’isolement dont il sera plus tard difficile de les faire sortir. L’établissement de liens avec des personnes ressources, telles que décrites dans les trois exemples d’organisation présentés, garantit que dans le futur, avec l’élargissement prévu de la numérisation, les personnes vieillissantes ne seront pas laissées «sur le côté».

La sécurité numérique

Le thème de la sécurité numérique est particulièrement complexe pour les personnes âgées qui se représentent difficilement les systèmes et processus concernés. Il est donc difficile de construire avec elles des moyens de défense, si ce n’est par des instructions simplifiées.

Les personnes âgées, leurs familles, les professionnelles, les étudiantes et les bénévoles sont également partie prenante et impliquées pour renforcer cette sécurité. Dans ce domaine, les accompagnantes agissent au mieux de leurs connaissances.

La confidentialité et l’intégrité des données doivent être un sujet de préoccupation aussi bien pour les professionnelles que pour les étudiantes et les bénévoles qui accèdent aux appareils, à leur contenu et aux mots de passe des personnes âgées. La relation de confiance et la bienveillance de part et d’autre sont à la base de la relation d’accompagnement, mais il faut relever qu’il n’y pas de définition formelle des responsabilités respectives en cas de dommages tels qu’une perte de données.

Facteurs de succès des interventions

L’expérience montre que la médiation numérique est particulièrement efficace lorsque:

les interventions auprès des personnes âgées:

  • sont en lien direct avec leurs demandes
  • sont réalisées dans leur quotidien, à des moments qui leur conviennent et au sujet d’appareils, applications, services qu’elles veulent utiliser
  • tiennent compte de leurs ressources et de leurs difficultés (mémorisation, connaissances préalables, vision, ouïe, «positionnement» par rapport aux technologies …)
  • s’adaptent à leur degré d’ouverture face au numérique et face à la nouveauté
  • identifient ce qu’elles veulent exactement faire pour apporter un soutien ciblé
  • simplifient, diminuent et trient les informations en partant de ce dont elles ont besoin dans le quotidien
  • les aide à définir leurs besoins de façon à permettre des choix et des achats adéquats
  • utilisent un vocabulaire générique (et non pas les nom des marques) qui leur est compréhensible et connu et sans varier les termes utilisés (ex. données mobiles ou 4G mais pas l’un et l’autre), 
  • leur permettent de pratiquer en direct et de répéter plusieurs fois les opérations (ne pas faire à la place)
  • leur montrent l’utilité des technologies au moyen d’exemples significatifs et attractifs de leur quotidien (ex. application météo ou contacts familiaux, application de quartier, shopping online)
  • sont réalisées par des personnes connues et de confiance
  • s’inscrivent dans des relations, notamment en faisant de la place à l’histoire des personnes qui la racontent

Les interventions réalisées en groupe:

  • ne dépassent pas une durée d’une heure
  • adoptent une approche de sensibilisation, éveillant l’intérêt, familiarisant avec le thème du numérique
  • permettent la démonstration, visible pour l’ensemble des participantes (projection), de principes communs, quel que soit l’appareil utilisé
  • sont organisées et encadrées de façon à compenser les différences de niveaux des participantes et, le cas échéant, les différences entre appareils utilisés:
    • nombre d’accompagnantes suffisant pour permettre à chacune de suivre
    • limitation des thèmes présentés et centration sur les thèmes communs
    • traitement différé des cas et questions spécifiques à une personne, un appareil
  • utilisent un vocabulaire compréhensible et connu de toustes sans varier les termes utilisés
  • simplifient et ciblent les informations sur les points essentiels à retenir, sans viser à une compréhension des systèmes globaux

Réflexions pour le développement

Les activités de médiation numérique auprès des personnes âgées nécessitent du temps mais sont indispensables pour l’autonomie et la participation sociale dans un monde de plus en plus numérique. Quelques points devraient être prise en considération pour assurer leur développement.

Des développements de compétences pour les professionnels

Dans le contexte des prestations de soutien et d’accompagnement de personnes âgées habitant leur propre logement (voir modèle 1), les tâches et les prestations contractuellement définies ne prévoient ni temps ni activités spécifiques pour le soutien des locataires dans l’utilisation des TIC.

Cela a pour conséquence que seules les professionnelles ayant de bonnes affinités avec les TIC développent des activités de médiation numériques telles que mentionnées ci-dessus.

En effet, les professionnelles qualifiées, comme les assistantes sociaux-éducatifves, disposent des compétences de base pour les aspects relationnels et sociaux, voire pédagogiques, qui leur permettent de s’engager dans des activités de médiation individuelle et collective. En revanche, la connaissance des technologies numériques et l’aisance dans leur utilisation n’est pas un acquis pour l’ensemble des professionnelles. En réalité, il y a de grandes différences de maîtrise en fonction de l’âge, mais aussi en fonction d’affinités personnelles, et cela aussi parmi les professionnelles nées à l’ère du numérique. Par ailleurs certaines connaissent uniquement le monde Apple ou le monde PC.

Développer des compétences de base communes (voir «Compétences requises») à l’ensemble des professionnelles proches des utilisateurstrices âgées de TIC et spécialiser certaines professionnelles pour des interventions plus «pointues» du point de vue de la maîtrise des technologies renforcerait les possibilités de soutenir les personnes âgées dans leur utilisation des technologies numériques.

Des développements de ressources pour les acteurs de la médiation numérique

En revanche, il est impossible pour les acteurstrices de la médiation numérique de maîtriser l’ensemble des appareils et logiciels dont disposent les personnes âgées. Et ceci notamment en lien avec les différents mondes PC, android et Apple. C’est pourquoi un soutien technique devrait être mis à leur disposition, à l’exemple de l'interaction entre le travail de quartier de Vicino Lucerne et le centre de recherche technique iHomeLab de la Haute Ecole de Lucerne dans le modèle 2.

Par ailleurs, la mise à disposition des contenus de cours spécifiques développés pour les personnes âgées représenterait un réel avantage afin que les acteurstrices de proximité réalisant des activités de médiation numérique puissent puiser dans les expériences faites et gagner du temps dans la préparation de leurs interventions.

De plus, selon les organisations et les environnements, les acteurstrices de proximité n’ont pas de temps pour rechercher et prendre connaissance des ressources externes géographiquement proches tels que cours, groupes d’entraide, services bénévoles de conseil et aide, etc. qui pourraient compléter voire prolonger et approfondir leurs interventions. De plus, les contenus précis des formations existant sur le marché n’étant pas publiés, il est difficile pour ces personnes d’identifier leur adéquation par rapport aux besoins et aux capacités des personnes âgées qu’elles connaissent bien grâce aux contacts réguliers entretenus. La mise à disposition d’un répertoire de telles ressources, détaillé et permettant d’identifier précisément le contenu des actions et si elles sont spécifiquement adaptées à un public plus âgé, augmenterait les possibilités d’orienter les personnes âgées et serait utile à toute la communauté.

Une attention à la sécurité numérique

En ce qui concerne la sécurité numérique, la clarification du cadre concernant l’accès aux données et aux appareils des personnes âgées ainsi que leur manipulation pourrait être à l’avenir un avantage pour toutes les parties, soit les personnes âgées, leurs familles et les accompagnantes (professionnelles, étudiantes, bénévoles).

Pour les non professionnelles, une instruction claire concernant la communication à réaliser en cas de problème (perte de données, casse de matériel), dans quel délai et à qui est toujours à réaliser.

Par ailleurs, des actions de médiation numérique régulières, individuelles et collectives, transmettant des consignes simples, concrètes et actualisées pour assurer la sécurité numérique pourraient permettre une prévention par rapport aux risques.

Les compétences requises de la part des intervenantes

Dans les modèles considérés, il y a plusieurs types d’intervenantes impliquées dans la médiation numérique : des professionnelles engagées dans les structures qui fournissent des prestations, des étudiantes et des bénévoles mandatées.

Les interventions réalisées n’ont pas toutes exactement les mêmes caractéristiques en fonction des situations, des structures et des personnes âgées concernées. Schématiquement, elles se situent sur un continuum entre un service (dépannage, réalisation d’une opération) et une formation (apprentissage pour assurer l’autonomie).
Dans la structure de logements intergénérationnels (modèle 3), il est relevé que les étudiantes locataires n’ont pas toutes et tous le profil adéquat pour guider les personnes âgées dans l’utilisation des TIC. Ces missions sont confiées de manière spécifique à certaines.

Dans l’organisation au service du quartier (modèle 2), les bénévoles actifves auprès du «Café numérique» reçoivent une préparation.

A des degrés divers selon les missions et les situations, trois composantes sont importantes dans les interventions:

  • la dimension relationnelle et sociale
  • la dimension technologique
  • la dimension pédagogique

Il faut non seulement trouver des solutions, résoudre des problèmes, mais il faut aussi s’impliquer dans la médiation numérique qui vise à diminuer les inhibitions et les peurs, à augmenter l’enthousiasme, à familiariser avec le monde du numérique et à soutenir l’autonomie dans ce domaine.

Et, en parallèle, il s’agit de faciliter des apprentissages. Ceci implique de ne pas faire systématiquement les opérations à la place de la personne âgée, d’organiser les informations et les contenus, de les «doser» pour les rendre accessibles et assimilables. La proposition d’exercice et la répétition font également partie du processus.
Pour cela, l’identification des ressources et des difficultés de la personne, notamment en lien avec le vieillissement et avec les éventuelles réticences à aborder des nouveautés, est nécessaire.

Sur cette base, les compétences permettant de s’engager dans des interventions de médiation numérique auprès des personnes âgées sont les suivantes:

Dimension relationnelle et sociale

  • établir des relations de confiance
  • communiquer de manière appropriée à la personne, au public
  • prendre en compte les caractéristiques liées à l’âge
  • identifier les ressources et les difficultés de la personne
  • animer un groupe

Dimension technologique

  • savoir utiliser:
    • les environnements PC et Mac
    • les systèmes android et iOS
    • les appareils: smartphones, tablettes, ordinateurs
  • savoir réaliser: 
    • ​​​les opérations et applications couramment requises pour les loisirs, la participation sociale, la communication et l’administration
      • recherche et utilisation de sites internet
      • utilisation de la messagerie électronique
      • utilisation des application des transports publics de la région et des CFF, notamment prise de tickets
      • utilisation de QR-codes
      • utilisation des réseaux sociaux
      • utilisation des applications de loisirs courantes : photos, musique, jeux
      • recherche et téléchargement d’applications
      • fonctionnement des services d’e-banking
    • l’installation d’appareils (modem, téléviseur, …)
    • les dépannage de base des appareils
  • appliquer les principes de sécurité numérique

Dimension pédagogique

  • choisir, simplifier, organiser les informations pour faciliter les apprentissages
  • adapter les instructions et les consignes au contexte et aux capacités de la personne

Contacts et informations

Althys appartements protégés OASSIS

Bois-Gentil appartements protégés Maillefer

VICINO LUZERN, Neustadt

iHome Lab Luzern

L’Adret Habitat évolutif pour seniors

Informations intéressantes et ressources (en allemand)

MEKiS Medien Kompetenzen in der Sozialen Arbeit

Description d’activités numériques pour familiariser avec l’utilisation d’applications pour les loisirs.
Les descriptions donnent une marche à suivre précise pour mettre en œuvre les activités de familiarisation. Bien que préparées pour être utilisées avec des personnes âgées ayant des troubles cognitifs, il s’agit d’une base qui peut être facilement adaptée à toutes les personnes âgées.
La ressource existe seulement en langue allemande.